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الاثنين، 11 ديسمبر 2017

Les transformations récentes dans l’oasis de Toudgha (sud est marocain). Quel avenir pour la gestion sociale de l’eau ?

Les transformations récentes dans l’oasis de Toudgha (sud est
marocain). Quel avenir pour la gestion sociale de l’eau ?
De l'irrigation à la gestion durable de l'eau
Mustapha Haddache
Université Cadi Ayyad Maroc
haddache.mustapha@gmail.com
Introduction
En partant de l’intervention de l’Etat colonial, en passant par des phénomènes comme
l’émigration internationale de travail et l’apparition de nouvelles institutions (associations des
usagers de l’eau agricole), La gestion sociale de l’eau dans l’oasis de Toudgha, en tant que
construit historique, a subi, des interventions qui ont changé son évolution.
En général, les oasis, partout, étaient caractérisées par la dominance de l’économie
d’autosuffisance traditionnelle malgré l’existence des liens commerciaux entre les
communautés grâce au commerce caravanier. Après l’abandon du commerce caravanier et le
déplacement des centres de gravité économiques vers les villes, les oasis se sont vues
marginalisées. Après l’intervention de la colonisation, les oasis sont incorporées à des
économies précapitalistes monétarisées ce qui a entraîné des changements sociaux,
économiques, parfois contradictoires, parfois même imprévus (Benchrifa, 1994). En plus de
ces changements, les oasis ont connu des booms démographiques drastiques (2.30% entre
1971 et 2004 pour l’oasis de Toudgha). Cette augmentation de la population a posé un grand
problème vu la constance des ressources hydro-agricoles. Ainsi, les populations de Toudgha
sont contraintes de chercher des activités extra-agricoles en dehors de l’agriculture irriguée.
Ces transformations ont des influences diverses sur la gestion sociale de l’eau dans l’oasis de
Toudgha. Cette orientation est caractérisée par la montée du salariat et l’émigration. Ces
phénomènes ont structuré le paysage oasien de Toudgha. Dans ce contexte, une question
reste ouverte : quel effet auront-elles ces transformations sur la durabilité de la gestion sociale
de l’eau ?
L’objectif de cette contribution est d’analyser les transformations qu’a connues l’oasis
de Toudgha durant les dernières décennies et leurs effets sur la gestion sociale de l’eau. Cette
contribution ne peut pas prétendre être exhaustive. On va essayer d’analyser les éléments les
plus marquants à la lumière du travail du terrain qu’on a mené lors de la préparation d’un
mémoire de troisième cycle.
Toudgha : présentation générale
L’oasis de Toudgha est encerclée là où les deux chaines de l’Atlas : le Haut Atlas et
l’Anti Atlas sont le plus rapprochés. Faisant partie de bassin versant de Toudgha-Ferkla, elle
s’étend sur une trentaine de kilomètres au long de ce qu’on appelle le sillon Sud Atlasique (ou
sillon Pré-Africain). L’oasis de Toudgha se compose de quatre communes : Toudgha Al
Oulya (Amont), Tinghir (Municipalité), Toudgha Assoufla (aval) et Taghzout n’Ait Atta
(extrême aval) (Voir carte n°1 : limites entre les communes et les fractions de Toudgha).

Carte n°1 : Limites entre les communes et les fractions de Toudgha

Source (avant modification) : (De Haas, 2005).
Le climat de l’oasis de Toudgha est un climat aride selon l’indice de De Marton
(I=Précipitations annuelles / (Températures moyennes annuelles +10). L’hiver est froid avec
moins de précipitations alors que l’été est sec. Il est à signaler que l’altitude joue un rôle
déterminant. En amont (1450m d’altitude), il y’a un micro-climat humide avec moins
d’évaporation, favorable à l’activité agricole et l’installation humaine. En aval (1100m
d’altitude), les précipitations deviennent de plus en plus rares avec une évaporation forte. Ce
qui expose l’aval à l’érosion voire l’apparition graduelle de la désertification surtout dans la
région de Ghallil.
Vu la rareté des précipitations, les températures caniculaires et l’évaporation forte,
aucune agriculture sans irrigation n’est pas possible dans cette contrée. Les populations ont
recours à l’oued et aux khettaras. Mais ces sources sont dépendantes des conditions
climatiques. Le manque ou l’euphorie des précipitations influence le régime de l’oued, les
débits des khettaras, la nappe phréatique,…bref, le climat conditionne les ressources
hydriques de l’oasis.
L’oasis de Toudgha est marquée par une limite extrême des terres et par conséquent
une exiguïté excessive, Cela est dû à la concentration démographique sur un périmètre exigüe
et à l’héritage ; surtout en amont (Toudgha Al Oulya) (voire carte n°1), Là, la surface agricole
utile est 100 ha. Dans sa totalité elle est divisée en exploitations de 0 ha à 5 ha. Alors que les
grandes exploitations (catégorie de 2 ha à 5 ha et plus de 5 ha) se trouvent essentiellement en
extrême aval (plaine de Ghallil) (Centre de mise en valeur agricole-Tinghir, 2002).
L’exploitation des terres agricoles est dominée par le faire valoir direct (94,62 % de la
surface agricole utile) suivi de la location (3.79 % de la surface agricole utile). L’ancien
système de métayage (khemassa) a connu une grande régression à cause de l’émancipation
des ethnies spécialisées dans ce genre de travail (harratines).

En ce qui concerne le peuplement, selon le recensement général de la population et de
l’habitat de 2004, la population de Toudgha est estimée à presque 68 536 (Haut
Commissariat au Plan, 2004). Plus de la moitié se concentre autour du pôle urbain de Tinghir.
En quarante ans, la population de l’oasis s’est doublée à cause de l’exode rural et le taux
d’accroissement naturel ce qui a orienté l’extension urbaine actuelle vers l’ouest de la ville.
En ce qui concerne la composition ethnique, l’oasis est habitée par deux grandes fractions
majeures, les Ait Toudgha, essentiellement, dans les communes Toudgha Al Oulya (amont),
Tinghir (Municipalité) et Toudgha Assoufla (aval). Alors que Ait Atta occupe la commune
Taghzout n’Ait Atta (extrême aval). En plus de ces deux fractions, on peut signaler
l’existence d’autres éléments. Les juifs étaient présents à Toudgha, mais leur effectif s’est
amenuisé après la grande émigration des juifs vers Israël dans les années 1960. Les harratines
étaient, auparavant, l’élément ethnique sur lequel se basait le travail oasien. Ils habitent
quelques villages dispersés dans l’oasis comme El Hart Mourabitin et El Hart Niaâmin. (Voir
carte n°1). Leur émancipation a, totalement, bouleversé l’organisation du travail oasien. Leur
émigration en Europe était une occasion pour acquérir des terres agricoles afin d’oublier leur
statut inférieur proche d’un asservissement que d’une association (Ouhajou, 1996).
Dans l’oasis de Toudgha on peut trouver plusieurs systèmes hydrauliques et par
conséquent des systèmes agricoles. En amont, l’irrigation se fait directement par la dérivation
des eaux de l’oued à l’aide des ougougs (barrages traditionnels de dérivation) et des seguias
(canaux traditionnels). La disposition en eau à volonté est pénalisée par la rareté des terres
agricoles ce qui y exacerbe le prix de foncier. Tout en descendant vers l’aval, les autres
fractions doivent suivre un tour d’eau hivernal et estival car le débit de l’oued n’est pas assuré
toute l’année. Dans la commune de Taghzout n’Ait Atta, les populations ont recours aux
khettaras (galeries drainantes) et des motopompes lorsque les khettaras sont séchées. La
nouvelle extension agricole de Ghallil est connue par l’utilisation des motopompes
individuelles grâce aux mannes financières de l’émigration des années 1960 et 1970.
Rappelons qu’on peut trouver des motopompes collectives dans les autres zones mais on ne
les utilise que lorsque le débit de l’oued n’est pas suffisant (Mehdan, 2006).
Un capital social en disparition graduelle
Le patrimoine matériel (ouvrages hydrauliques) et immatériel (institutions et droit
coutumier,…) ne peuvent être construits sans ce qu’on peut appeler le capital social. Selon
Robert Putnam et Francis Fukuyama, le capital social c’est ce que gagne un groupe lorsque la
confiance règne entre ses membres (Mernissi, 2003). Les communautés font passer l’intérêt
public avant les désirs individuels. Dans ce cadre, Les populations de l’oasis de Toudgha
étaient obligées de forger des cadres institutionnels pour faire face au climat d’insécurité qui y
régnait auparavant. Mais, aussi, pour gérer leur espace socio-économique.
L’institution la plus importante, dans ce cadre, est certainement la jemaa. La jemaa est
une assemblée qui réunit les notables de la tribu. Ils ne sont pas élus mais choisis parce qu’ils
sont influents, fortunés,… Les membres de la jemaa sont issus des ighssan (lignages) de la
tribu de telle façon à ce que chaque ighes (lignage) est représenté par un homme de confiance.
Ait Hamza Mohamed résume la fonction de la jemaa en disant : « La jemaa doit veiller sur la
bonne gestion, la défense et le développement de son espace socioéconomique. La jemaa n’a
pas un programme d’avance…(…)…cette fluidité dans l’action qui fait sa force contrairement
aux institutions modernes, rationnelles mais rigides » (Ait Hamza, 1999).
La jemaa ne peut gouverner. C’est un organe délibératif. L’exécution des décisions de
la jemaa est confiée à un organe unipersonnel : amghar. Ce dernier est désigné par la jemaa. Il
doit remplir quelques conditions : appartenance à la tribu, honorabilité, autorité morale, être
présent durant toute l’année surtout lors des moments les plus importants de la compagne

agricole. Le rôle d’amghar consiste à veiller sur la construction des ougougs, l’entretien des
seguias et khettaras…etc. La fonction d’amghar n’est pas rémunératrice car tout le monde
l’assume périodiquement. Chaque année, un lignage est choisi pour designer parmi ses
familles l’amghar de la tribu.
Ce capital social a connu d’énormes transformations. Les institutions de la jemaa et
amghar ont perdu beaucoup de leur éclat d’antan. On a assisté à des cas de villages qui n’ont
pas réussi à élire un amghar. D’autres villages ont recours à la création des associations des
usagers de l’eau agricole (AUEA). La principale motivation avancée, est que, actuellement, il
est très difficile de travailler volontairement en assumant la responsabilité d’amghar. Alors,
les populations ont procédé ainsi pour résoudre ce problème épineux lié à la monétarisation
accrue de la vie sociale (Haddache, 2009).
Selon Robert Putnam, La confiance est une composante importante du capital social.
L’autorité des AUEA est contestée par les populations car elles peuvent aboutir à des
problèmes de confiance entre les populations.
En guise de conclusion, la gestion sociale de l’eau ne pourrait être construite sans la
capacité de mobilisation des communautés villageoises. James Colman considère cette
capacité de mobilisation de groupe comme une richesse voire un capital (Mernissi, 2003). La
gestion sociale de l’eau perd son éclat au fur et à mesure que cette capacité de mobilisation se
raréfie.
Migration internationale de travail et gestion sociale de l’eau
L’oasis de Toudgha est connue par le phénomène de l’émigration internationale de
travail. La première destination, au début, était l’Algérie. Après l’indépendance de l’Algérie,
les marocains ont changé la destination vers la France. L’émigration vers la France est
caractérisée par la présence dans la mémoire des gens d’alors d’une personne qui s’appelle
Félix Mora. Ce dernier représente les sociétés charbonnières du nord de la France. Il a venu
au Maroc, pendant plus d’une vingtaine d’années (1956-1977), pour recruter de la main
d’oeuvre sur place (Naim, 1997).
Dans une situation d’imperfection des marchés, la famille avance de l’argent pour l’un
de ses membres pour quitter le bled. Cette décision est une occasion de diversifier les revenus
de la famille et une assurance contre la crise, car l’agriculture est risquée de fait qu’elle est
liée aux aléas climatiques. La diversification des revenus entraînée par l’émigration est une
assurance contre l’incertitude à travers les transferts des émigrés en faveur de leurs familles
(Haddache, 2009).
Après avoir installé, le nouvel émigré doit envoyer une part de son salaire à sa famille.
Ces transferts ont des retombés sur les familles qui les reçoivent. Les retombés les plus
influentes sont le changement de mode de consommation, changement de l’habitat
traditionnel, l’investissement durant les années 1970/ 1980 dans l’agriculture.
Ce dernier point nous intéresse beaucoup. Après leur retour, les émigrés ont investi
massivement dans l’agriculture en achetant des motopompes et des lopins de terres. Même, on
trouve des paysans qui ont vendu leurs parcelles irriguées par les eaux de la khettara pour se
concentrer sur les exploitations irriguées à l’aide de la motopompe (Haddache, 2009).
L’investissement dans la terre agricole, considéré, à l’époque, comme un indicateur
d’ascension sociale, a poussé les gens à équiper leurs puits par des motopompes. La région
qui abrite la majorité des puits équipés par des motopompes est la région de Ghallil (bas
Toudgha). En général, l’aval de l’oasis de Toudgha englobe 95% des superficies irriguées par
pompage. Le pompage est considéré comme la meilleure façon pour maîtriser l’irrigation et

pratiquer les cultures souhaitées, abstraction faite de leur avidité pour l’eau ou non. Cet
individualisme pourrait sonner le glas des khettaras qui se basaient sur l’entraide
communautaire. Cela est à craindre fortement car les paysans creusent beaucoup de puits pour
irriguer une seule exploitation, d’ailleurs la moyenne est 1.35 puits par exploitation (De Haas,
El Ghanjou, 2000). Ce qui peut sécher les khettaras de la zone elle-même et celles qui sont en
aval de Ghallil à savoir l’oasis Ferkla (Tinjdad).
Montée du salariat et pluriactivité des familles oasiennes
Le système de khemassa a subi une régression accrue durant les quarante dernières
années. La régression de ce mode de faire valoir n’a laissé aucune solution pour les paysans
que de recourir au salariat.
À une époque, les paysans cherchaient un khemas ou s’entraident entre eux, solidarité
obligeait, dans les travaux agricoles. Le travail collectif régnait car toutes les familles sont
dépendantes de leurs terres. Mais, vu la constance des ressources hydro-agricoles,
l’accroissement démographique et l’émancipation des groupes traditionnellement connus par
le travail de la terre, les paysans n’ont qu’à chercher des travailleurs salariés.
Les opportunités offertes par l’émigration internationale de travail ont contribué à la
montée de ce genre du travail. Etant donné que les parcelles représentent une valeur sociale
intrinsèque à l’image de celui qui les possède, les émigrés cherchaient des travailleurs qui s’en
occupent en contrepartie d’une somme d’argent. Ces arrangements ont sonné le glas de la
khemassa qui régnait auparavant.
Il est à signaler que le système de salariat qui se développe dans l’oasis de Toudgha
prend plusieurs formes. D’une part, il complète l’insuffisance des produits récoltés sur les
parcelles. Les paysans sont dépendants du marché. Ainsi, le travail salarial les aide à acheter
les produits qui ne produisent pas sur leurs parcelles. D’autre part, il y’a des gens qui venaient
d’autres régions et qui travaillent comme salariés auprès des moyens et grands propriétaires.
Ce dernier cas de figure peut être trouvé dans la région de Ghallil où les agriculteurs font
appel à la motopompe et qui sont généralement des émigrés qui n’ont pas du temps pour
s’adonner à l’agriculture.
Le développement du travail salarial est le résultat de l’éclatement de l’esprit de
solidarité qui liait les paysans. Devant les charges financières quotidiennes, les paysans
doivent rémunérer une main d’oeuvre pour travailler à leur place.
La croissance des revenus non agricoles évoquée dans tous les pays de globe est un
indicateur général de la pluriactivité.
L’étude de ce phénomène de pluriactivité est délicate vu l’insuffisance et la singularité
des études qui ont été faites sur l’emploi rural et la pluriactivité des familles rurales. Selon les
enquêtes effectuées à travers les régions du Maroc, la pluriactivité s’exerce dans 92% des
exploitations, 61% des actifs ruraux sont pluriactifs et que 37,7% des chefs des ménages ont
une activité principale non agricole (Jennan, 1994).
Certes, l’insuffisance des revenus agricoles face aux besoins croissants des familles
(effet de ciseaux en économie) incite à une diversification des activités et des revenus au sein
des ménages. Mais ce phénomène s’est développé à cause d’une multitude de raisons. Tout
d’abord, la pauvreté de la majorité des paysans liée au manque d’accès à la terre causé par la
concentration de la propriété. Pour le cas de Toudgha, plus de 73% sont des exploitations de
moins de 5 ha (centre de mise en valeur agricole-Tinghir, 2002). Cette superficie est la même
depuis belle lurette et si on prend en considération l’augmentation de la population et
l’héritage, ces terres ne suffisaient à la nourriture des populations et par conséquent les

populations font appel à d’autres activités. Ensuite, l’émigration interne et externe et
l’ouverture de la région sur le monde extérieur de l’oasis. Selon Hein De Haas, les revenus
locaux agricoles et non agricoles représentent 13% et 44% du revenu total en 1999 contre
9,8% et 32,8% pour les revenus des migrants internes et externes (De Haas, 2005).
Enfin, les facteurs naturels poussent les gens à diversifier, et parfois abandonner leurs
parcelles. La sécheresse qu’a connue le bas-Toudgha entre 1997 et 2007 a poussé les gens à
quitter la région pour d’autres endroits où ils peuvent travailler. Durant cette période, les
autorités locales distribuent 80 litres d’eau par famille. Dans cette situation de stress hydrique
extrême, la majorité des gens, en âge de travailler, ont quitté la région vers les villes
marocaines (Haddache, 2009).
Il en découle que cette pluriactivité forcée, dans la majorité des cas, aurait un impact
sur la gestion sociale de l’eau ce qui va influencer le maintien et la durabilité des systèmes
hydro-agricoles. Le nombre des khettaras qui continuent de fonctionner en comparaison avec
le nombre d’antan est un exemple illustratif (Haddache, 2009).
La pression de l’urbanisme sur les ressources hydro-agricolesAprès la disparition du climat d’insécurité qui régnait dans l’oasis de Toudgha, les
populations ont déserté leurs ighreman (ksour). Ils ont bâti de nouvelles demeures et la ville
s’étend sur le plan urbanistique vers l’ouest (voir la photo n°2).
Photo n°1 : photo aérienne de Tinghir en juillet 1949. (Archives de Vincennes-Paris).

Depuis, les ouvrages hydrauliques qui se trouvaient à l’ouest de Tinghir ont été ravagé
par l’urbanisme. Parmi ces ouvrages « ensevelis », on peut citer la khettara de Tagoumast.
Tagoumast fait partie de la municipalité de Tinghir (voir carte n°1). Elle est dotée d’une
khettara dont on ne peut pas déterminer la date précise de sa construction. Néanmoins, cette
khettara est d’une longueur de 2300 m. D’après les populations de la localité, cette khettara

est abandonnée depuis belle lurette. Avant 1956, un filet d’eau coule dans la khettara mais il
est insuffisant. Après l’indépendance, l’extension de l’urbanisme a sonné le glas de cette
khettara. Par simple coïncidence, la source de cette khettara se trouvait là où on a construit le
centre de mise en valeur agricole de Tinghir.
Photo n°2 : photo de Tinghir en 2009 (Google Earth).


Ainsi, l’urbanisme a, totalement, dégradé un ouvrage hydraulique centenaire. La rareté
extrême du foncier va modifier le paysage de l’oasis. En plus de la densité agricole qui va
pénaliser l’exploitation agricole, La densité démographique est très élevée surtout dans le
centre urbain (Tinghir). Les populations sont attirées par ce centre grâce à maintes raisons,
c’est pour cela qu’on y trouve une densité forte, presque 888 hab. / km² (Haddache, 2009). En
comparant les photos n°1 et n° 2, La pression sur les terres agricoles est exacerbée autour de
ce centre.
La pression sur les terres agricoles est conjuguée par une pression sur les ressources
hydriques. L’alimentation, en eau potable, d’une ville qui se développe rapidement va
accentuer une compétition entre les différents usages de l’eau en faveur de la consommation
domestique surtout lors des périodes de sécheresse ce qui va remettre en cause la durabilité de
l’agriculture dans cette oasis. La sécheresse connue par le bas-Toudgha entre 1997 et 2007
est un exemple illustratif.

Conclusion : quel avenir pour la gestion sociale de l’eau dans l’oasis de
Toudgha ?
En guise de conclusion, la gestion sociale de l’eau est influencée par toute une
panoplie de mutations institutionnelles et socio-économiques qu’a connues l’oasis de
Toudgha et qui ne cessent de produire leurs effets.
Cette évolution peut nous amène à être pessimiste à propos de l’avenir de la gestion
sociale de l’eau dans l’oasis de Toudgha car il est préférable d’être victime de pessimisme
de la raison que de s’évanouir dans l’optimisme du simplisme. Les mutations qu’a connues
l’oasis de Toudgha ont influencé l’évolution de la gestion sociale de l’eau dans l’oasis. A
titre d’exemple, l’intervention des autorités coloniales en 1936 et la confrontation du mode
de production capitaliste avec le mode de production traditionnel ont brisé l’évolution
propre des systèmes irrigués traditionnels.
Le développement de l’émigration, la recherche des activités extra-agricoles et
l’ouverture de la région aux influences extérieures ont accéléré l’apparition de nouvelles
structures et composantes alors qu’on assiste à la disparition graduelle de composantes des
systèmes irrigués traditionnels.
On peut illustrer nos propos en faisant allusion aux mutations institutionnelles
caractérisées par la disparition graduelle ou bien la perte d’éclat des institutions
communautaires (jemaa et amghar) et l’apparition des associations (AUEA et associations
du développement). La morosité des ces institutions risque de pénaliser la durabilité de la
gestion sociale de l’eau car l’autorité, qui émane de ces institutions, est le résultat d’un
consensus bien négocié. On conclue avec Ostrom en disant que : « Pour fonctionner, un
système irrigué a besoin d’un ensemble complexe, négocié, adaptable, de règles à différentes
niveaux d’organisation » (Ostrom, 1992).
En plus, l’influence de l’émigration et le mode de consommation occidental ont
poussé les jeunes vers la recherche des activités génératrices de revenus car ils voient que la
rentabilité économique de l’agriculture est faible et s’étale dans le temps en comparaison
avec l’émigration en particulier et le travail salarié en général. Cette émigration s’inscrit
dans le cadre d’une volonté de diversifier les revenus des ménages car les rendements de
l’activité agricole sont insuffisants. Autrement dit, les ménages, en général ont tendance à
être pluriactifs. Cette pluriactivité a influencé la gestion sociale de l’eau, de fait qu’on a
assisté à la disparition des techniques traditionnelles de mobilisation de l’eau en faveur des
techniques modernes comme le pompage et au détachement des jeunes du travail agricole et
par conséquent de la gestion sociale de l’eau.
Cependant, ces transformations ne peuvent être considérées comme les signes d’une
crise irréversible. La gestion sociale de l’eau pourrait renouer avec l’histoire si en prend en
considération sa compatibilité avec les principes du développement durable. Il suffit de
renouveler la légitimité des institutions communautaires qui ont perdu leur pouvoir
d’influence en faveur des institutions étatiques.
9
Bibliographie
• Ait Hamza, Mohamed (1999). Mobilité socio-spatiale et développement local au Sud de
l'Atlas marocain (Dadès-Toudgha), Thèse de doctorat en géographie (Dir. Ahmed El
Gharbaoui), Université Mohamed V – Agdal, faculté des lettres et sciences humaines.
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quelles tendances récentes. In les mutations socio-spatiales dans les compagnes marocaines.
Université Mohamed V – Agdal, publications de la faculté des lettres et sciences humaines,
série : colloques et séminaires, n°28.
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l’Etat: crise ou transformation? L’exemple du Toudgha-Ferkla,
http://www.heindehaas.com//Publications.
• De Haas, Hein. El Ghanjou, Hassan (2000). Développement agricole récent dans une zone
aride sud-marocaine: la plaine de Ghellil (bas-Toudgha),
http://www.heindehaas.com//Publications.
• Haddache, Mustapha (2009). Gestion sociale de l'eau et mutations socio-économiques dans
l'oasis de Toudgha, Mémoire du diplôme des études supérieures approfondies (Dir. Mohamed
El Faiz), Université Cadi Ayyad , faculté de droit.
• Haut Commissarait au Plan (2004). Recensement général de la population et de l’habitat au
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approche ?quelle interprétation ? ». In actes de 3ème colloque des ruralistes marocains :
développement des systèmes ruraux de la Chaouia et questions méthodologiques pour l’étude
de l’espace rural marocain. Université Hassan II, publications de la faculté des lettres et
sciences humaines Ben M’sick.
• Mehdan, Mohamed (2006). L’organisation sociale autour de l’eau dans l’oasis de Toudgha,
Thèse de doctorat en sociologie (Dir. Rahma Bourqia ),Université Hassan II, faculté des
lettres et sciences humaines .
• Mernissi, Fatima (2003), ONG rurales du Haut Atlas les Ait-Debrouilles, Rabat:
MARSAM.
• Naim, Mohamed (1997). La migration internationale de travail et les transformations socio
spatiales dans les oasis présahariennes du Maroc. Le cas de la vallée du Toudgha, Thèse de
doctorat en géographie, Université de Nice, Sophia antipolis.
• Ouhajou, Lekbir, (1996), Espace hydraulique et société au Maroc, cas des systèmes
d’irrigation dans la vallée du Draa. Agadir : Université Ibn Zohr, publications de la faculté
des lettres et des sciences humaines, série : thèses et mémoires, n°7.
• Ostrom, Elinor (1992), Crafting Institutions for self-governing irrigation Systems, ICS
Press, Institute for contemporary studies, San Francisco. [traduction de Philippe Lavigne
Delville, 1996, Pour des systèmes irrigués autogérés et durables : façonner les institutions].
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